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    Nomade
    Sanai-Tehn
    Dim 17 Fév - 18:08
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    Nomade

    Il errait. Il errait sans réfléchir, hébété, comme un nouveau-né découvrant le Soleil pour la première fois. Il avait quitté Shurug comme un criminel, peut-être poursuivi, peut-être pas encore. Il ne voulait pas le savoir. Il ne voulait pas le prévoir. Il voulait juste goûter à l'air frais, à la liberté, sa liberté qu'il avait tant désiré. Ce n'était pas exactement comme il l'avait voulu. Il portait une tunique bien trop légère pour les nuits fraiches de la saison, et il n'avait pas eu le temps d'emporter ce dont il avait besoin. Il avait l'air d'un enfant trouvé, sauvage, perdu dans la nature depuis quelques jours à peine, mais déjà marqué par le Soleil et la route. Il marchait sans réfléchir à travers les plaines, s'abritant où il le pouvait, quand il le pouvait. Il marchait, jour et nuit. Il évitait les Hommes, il évitait les constructions, il évitait tout ce qui aurait pu lui rappeler ce qu'il avait traversé.
    Il était aussi furieux que la tempête, mais aussi faible qu'une petite pluie.
    Et dans son esprit, tout n'était que brume.

    Ses pas avaient fini par le guider jusqu'à une forêt. Il n'avait guère envie d'y pénétrer profondément, de peur de ne plus jamais en sortir, mais il avait faim. Il avait faim, et il ne possédait qu'une petite dague encore tâchée de sang. Il n'osait pas la regarder. Il ne voulait pas savoir, il ne voulait pas revoir ces images dans sa tête. Il ne voulait pas replonger encore. Il restait donc dans la forêt, mais suffisamment proche de l'orée pour toujours voir la lumière. Une lumière. Une porte de sortie. Il ne serait plus jamais enfermé. Plus jamais !

    Quand la nuit fut suffisamment proche, il se laissa glisser contre un arbre. Il écoutait les bruits comme s'il n'était qu'un pauvre lapin menacé par tous ces prédateurs. Il avait froid, et il avait faim. Le regard sauvage, comme le ciel d'orage en colère. Sa tunique beige était à peine suffisante pour le couvrir, et ses bras nus se hérissaient alors que la température tombait. Il aurait dû faire un feu. Il aurait dû prévoir. Mais il se contentait de rester là, et d'attendre. D'attendre que la nuit surprenne le monde. Il pensait à son père. A quel point l'avait-il déçu ? A quel point était-il là, à le regarder, à le juger ? De quel droit ! Avait-il été plus déshonoré lorsqu'il avait accepté la soumission, ou lorsqu'il avait réclamé sa liberté ? Il ferma les yeux.
    Comme s'il était encore capable de dormir.

    Un bruit. Des pas. Une brindille qui se brise.
    Il ouvrit les yeux, surpris. Combien de temps s'était écoulé ? Il ne voulait pas le savoir. Il brandit sa dague devant lui, les doigts serrés, juste redressé sans se lever, comme une panthère qui s'apprête à sauter sur sa proie. Ses cheveux noirs tombaient de façon désordonnée sur ses épaules. La terre maculait encore ses joues. La poussière de la route le recouvrait de haut en bas. Peu importait. Il ne serait plus jamais au service de personne. Il ne frayerait plus jamais avec quique ce soit. Il serait seul, mais il serait libre !
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    Sanai-Tehn
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    Sahar
    Lun 18 Fév - 21:36
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    - Je t'avais bien dit, j'ai vu quelqu'un ! Chuchota une voix, dans la pénombre des bois.

    Le crépuscule tombait à travers les arbres. Les dernières lueurs du jour se faufilaient sous les frondaisons, en obliques poudreuses filtrées par le couvert épais des feuillages et des branches épineuses des conifères. Il n'y subsistait plus qu'une maigre clarté, juste assez suffisante pour que l'on devine, à quelques pas du fuyard alerté, deux silhouettes qui se tenaient à une distance respectable.

    - Pas si fort, tu vas l'effrayer.

    Une seconde voix s'éleva, calme, presque impérieuse.

    - Laisse-moi faire.

    Elle s'infléchit d'un rien de clémence, cette fois. Ils parlaient à voix basse, tous les deux, mais le silence très profond que le soir avait fait tomber sur la forêt les faisait entendre juste assez clairement pour rendre leurs paroles perceptibles.

    - Va prévenir les autres que nous aurons peut-être un invité de plus, je m'en occupe.

    - Tu as perdu l'esprit ? Répliqua le premier avec nervosité. Il est peut-être dangereux, tu n'en sais rien.

    - Laisse-moi faire, répéta le deuxième avec patience.

    - Soit. Mais je reste là. Juste au cas où.

    - Ta hardiesse est un don précieux, mon ami.

    La dernière phrase demeura suspendue en l'air, teintée d'une légère moquerie, et puis l'une des deux silhouettes se détacha de l'obscurité des fourrés pour s'avancer, tout doucement, tout lentement, avec une infinie précaution.

    Très vite, la haute silhouette poussiéreuse d'un voyageur entre deux âges se fit entrevoir plus nettement : l'épaisse chevelure poivre et sel accrochait quelques reflets, noyait le visage émacié dans l'ombre, autant que la barbe broussailleuse qui lui mangeait les joues. A la faveur d'un mouvement, les yeux reflétèrent à leur tour un peu de la luminosité qui perçait, et alors qu'il traversait à dessein une trouée de lumière, quelques détails de plus se dessinèrent. Il s'arrêta là, les mains levées devant lui, là où un dernier fragment de lumière se faufilait encore.

    - Je ne te veux aucun mal, dit-il. Mon ami t'a aperçu tout à l'heure, et tu sembles en fâcheuse posture. As-tu besoin d'aide ?

    De là où il était, Sahar ne voyait pas grand chose, lui. Le mince rai de soleil qui lui tombait dessus l'éblouissait un peu, l'obligeant à plisser les yeux pour mieux distinguer la silhouette tapie au pied d'un gros arbre. Plus tout à fait un enfant, mais pas encore un homme fait, pour ce qu'il pouvait en juger d'ici. Maculé de poussière et de terre, recroquevillé sur lui-même, accroupi le fer dans les mains, très exactement comme une bête acculée qui s'apprête à bondir. Il lui fallait tout son calme pour ne pas fixer la lame qui brillait entre ses doigts, et qui était la seule chose qu'il apercevait vraiment clairement.

    - Nous avons du feu, et de la nourriture à partager avec toi, si tu le veux.

    Avec des gestes lents et mesurées, comme s'il s'approchait d'un fauve, il s'assit sur ses talons, de sorte à mieux voir. Penchant légèrement la tête de côté, il parvint à saisir un peu des traits du visage du jeune homme, et la forme de ses yeux.

    - Est-ce que tu me comprends ?

    Une pause, puis, il étendit une main devant lui, paume ouverte, comme un geste d'invite.

    - Je m'appelle Sahar.
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    Sahar
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    Nomade
    Sanai-Tehn
    Ven 29 Mar - 16:16
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    Nomade

    Plusieurs personnes. Qui discutaient à voix basse. Puis, émergeant d'entre deux arbres, une silhouette. Un homme. Quelque chose de familier. D'horriblement familier. Il tremblait. De peur, d'excitation, de colère, peu importait. Il avait mal, il avait froid, il avait faim. Mais avait-il confiance ? Certainement pas.

    Je ne te veux aucun mal. Mon ami t'a aperçu tout à l'heure, et tu sembles en fâcheuse posture. As-tu besoin d'aide ?

    Du feu. De la nourriture. Son estomac se réjouissait à cette nouvelle, grondant avec envie. Mais Sanai-Tehn n'était pas d'accord avec son corps. Il avait peur. Bien trop peur. Et s'il se faisait avoir ? Et s'il devait retourner à la ville, et revivre tout ce cauchemar... Non ! Jamais ! Il préférait encore mourir.

    Est-ce que tu me comprends ? Je m'appelle Sahar.
    Je comprend.

    Deux mots. C'était probablement tout ce qu'il pouvait prononcer. Ca sortait de ses entrailles comme un grondement. Une menace. Un avertissement. L'homme était tout proche, accroupi à sa hauteur, et Sanai-Tehn le fixait sans ciller. Le jaugeait. Le jugeait. De longues minutes, en silence, comme un fauve. Puis, petit à petit, il commença à se détendre. Imperceptiblement peut-être au début. Mais la fatigue le gagnait. Il avait perdu. Il était épuisé, à bout de nerfs. La lame dans ses doigts tremblait doucement, oscillait, puis il baissa la main. L'inconnu, Sahar. Il avait quelque chose de familier. Quelque chose de doux. Lui faisait-il confiance ? Non.
    Mais il avait si froid, si faim, et si sommeil... avait-il vraiment le choix ?

    Il se laissa lentement glisser. S'abandonnant aux bons soin de cet inconnu. Tant pis. Tant pis s'il mourrait. S'il restait là, seul avec son arbre, il mourrait probablement aussi.

    J'ai faim... et froid...

    Il ne lâchait pas son arme de fortune. Elle l'avait sauvé une fois. Elle resterait avec lui. Il la serrait dans ses doigts, contre lui. Comme s'il était un enfant serrant une peluche. Serrant contre sa poitrine quelque chose de doux et rassurant.
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    Sanai-Tehn
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    Sahar
    Sam 30 Mar - 17:18
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    Un animal effrayé. Sahar ne voyait rien d'autre que cela, pour le moment, un chat acculé avec un visage de garçon, avec la même férocité blessée au fond des pupilles, l'alerte et la crainte, et toute la férocité du monde dans le couteau serré dans ses mains terreuses. Depuis combien de temps était-il là ? Les traits creux, le teint pâle, la silhouette efflanquée et le vêtement crasseux, tout hurlait la misère et la fuite, et de sombres histoires encore, derrière tout cela. Assis sur ses talons, les mains tendues, le poète le détailla du regard, sans jamais s'attarder sur la lame, comme pour lui montrer qu'il n'avait pas peur.

    Il lui fit un hochement de tête encourageant quand le garçon répondit à ses paroles. La langue résonna de façon très familière à ses oreilles, et cela le fit sourire, mais cette expression demeura suspendue dans le vide, après cela, parce que soudain les rouages de la mémoire s'étaient remis en branle et un horrible pressentiment s'insinuait au fond de lui. Comme une eau glaciale, comme un sombre secret, une atroce certitude faisait son nid. Il refusa de s'y attarder pour l'heure, parce que cela pouvait être bien des choses : à force de voyager par monts et par vaux, Sahar avait connu bien des gens, bien des visages, si bien que tout le monde finissait un peu par se ressembler, et le petit ne ressemblait pour l'heure pas à grand chose. Mais c'étaient ces yeux, là : il en avait vu de semblables, autrefois, très furtivement. Il connaissait ce regard, farouche, traqué, avec dans les prunelles la cruauté inconsciente et sauvage qui prend naissance dans la souffrance et l'oubli.

    Sahar demeura immobile, un moment, et puis le regarda s'effondrer petit à petit, gardant le couteau serré contre lui. Ses quelques mots étaient restés suspendus dans l'air du crépuscule, presque une supplique. Il avait lutté, il l'avait bien vu. Des pensées contraires s'étaient affrontées et finalement, c'était l'épuisement, c'était la faim qui avaient gagné contre la peur et tout ce qui pouvait encore retenir l'enfant loin des autres.

    Une griffe très noire s'était refermée sur le cœur du poète, sur ses entrailles, et le doute lui embrumait l'esprit, mais il ne laissa rien de cela transparaître ni l'entraver pour le moment. Il serra les épaules maigres du jeune homme entre ses longues paumes, et l'aida à se relever, très doucement, très précautionneusement, avec ces gestes lents et paisibles qu'on aurait eu pour apaiser un fauve.

    - Du feu et de la nourriture, oui, répéta-il sans rien montrer de son trouble, nous en avons pour toi. Viens, il y aura de quoi te reposer là où nous allons. Tu n'as rien à craindre de nous, je te le promets.

    Sahar lui sourit, le soutenant toujours. Il y avait une force insoupçonnée dans sa silhouette toute sèche, et le bonhomme était bien plus coriace qu'il n'en avait l'air : pourtant, son étreinte paternelle n'avait rien d'une entrave, il se serait bien gardé de se montrer menaçant, de toute façon.

    - Tout va bien, dit-il à l'adresse de son compagnon, qui s'extirpa des buissons où il était resté caché. Retournons au camp, il est affamé et n'a de toute évidence nulle part où aller. On ne peut pas le laisser comme ça.

    L'homme était un de ces caravaniers qui vont et viennent entre Shurug et les autres cités, et les deux compères étaient de toute évidence sur le retour. Leurs vêtements étaient usés, et ceux de Sahar mélangeaient étrangement des choses grappillées chez les Tunguz et l'habit ordinaire des arallus de la capitale ; sable et poussière blanchissaient les ourlets, s'étaient amassés dans les plis, lustraient le cuir de leurs sandales qui sentaient le cheval et le poil de chameau. Même leur parler sentait l'ailleurs : Sahar s'exprimait dans un tangut chargé d'accent kigallu, et dans un aklo plein d'inflexions ramenées du parler des nomades, comme s'il avait perdu l'habitude de manier cette langue.

    - Quel est ton nom, petit ?


    Sahar posa la question comme on s'arrache une épine : à quoi bon tergiverser ? Peut-être se trompait-il, peut-être pas. Dans les deux cas, mieux valait en avoir le cœur net le plus vite possible. Sa voix vacilla peut-être un tout petit peu, disant cela, alors qu'ils regagnaient la lisière des bois où la lueur d'un foyer transperçait la pénombre du soir, mais on pouvait tout aussi bien mettre ça sur le compte de la concentration que réclamait le fait de marcher dans un sous-bois épais où les racines traîtresses entravaient leur progression.
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    Sahar
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    Sanai-Tehn
    Lun 22 Avr - 18:10
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    Tu n'as rien à craindre de nous, je te le promets. Rien à craidre. Des promesses. Des promesses. Pouvait-il seulement leur faire confiance ? Certainement pas. Mais avait-il une autre solution, dans l'immédiat ? Il n'était pas obligé de leur faire confiance... non. Il avait encore le choix. Il le laissa l'aider, légèrement faible sur ses appuis. Toute son énergie était réservée à le garder alerte, et à serrer les doigts sur sa dague. Son seul rempart. La seule chose qui le faisait encore tenir, là, dans la réalité. Il suivit les deux hommes, d'un pas hésitant. Les bêtes sauvages, même affamées, ne se laissent pas dompter facilement. C'étaient des gens qui voyagent, des caravaniers ou autre nomades, mais pourtant ils n'étaient pas comme son peuple. Ils étaient différents. Mais est-ce qu'il pourrait un jour être parmi les siens ? Est-ce que les siens... était quelque chose qui existait ?

    Quel est ton nom, petit ?
    Sa...

    Il s'arrêta brusquement. Et si son nom... s'il était déjà recherché ? Non. Non il refusait. Il baissa la tête.

    Ca ne te regarde pas.

    Il apperçut la lueur dans la pénombre. Ce feu prometteur. Chaleur et nourriture. C'était tout ce qu'il voulait, tout ce dont il avait besoin à cet instant. Il posa sa dague contre sa poitrine, en avançant, inquiet. Il n'avait pas espéré croiser de nouveau des êtres humains. Il redoutait. Il en tremblait. L'idée de s'enfuir à toutes jambes face à cette réalité bien humaine le traversa, mais le reste de son corps sembla désapprouver. Il n'avait plus la force de courir. Il se laissa guider sans rien dire, sans répondre. Il se contenta d'être un corps en mouvement. Le campement était trop grand. Les hommes étaient trop nombreux. Ils allaient lui parler, ils allaient le regarder. L'humanité l'avait trop déçu. Qu'elle brûle ! Qu'elle brûle jusqu'à-ce qui n'en reste rien !

    Il s'assit près du feu, mais à l'écart des autres. De toute façon, qui voudrait approcher un sauvage armé, dont l'agressivité et la méfiance n'était pas dissimulée ? A part peut-être cet homme si étranger et si familier. Il n'avait pas peur de lui ? Peut-être qu'il le cachait seulement. Mais peu importait. Il se réchauffait, observant les allées et venues autour de lui, écoutant distraitement les conversations. Ils ne semblaient pas tous ravis de l'avoir comme compagnie. Loin de là. Mais encore une fois, peu importait. Il sentait ses paupières se fermer, gagné par l'épuisement et la douce chaleur qui se diffusait enfin dans son corps. Mais il devait rester éveiller.

    De la nourriture, tu as promis. dit-il à voix basse à l'homme qui l'avait guidé jusqu'ici.
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    Peuple
    Sahar
    Mer 8 Mai - 15:35
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    Coquin de sort, traître de destin. Les dieux se penchaient-ils sur le vécu des hommes ? Si c'était le cas, ah, ils devaient bien rire, à voir la figure soudain livide de Sahar qui cheminait en se prenant les pieds dans les racines et les fougères, suspendu à l'unique syllabe qui lui fit cesser de respirer un instant, avant que l'on ne lui signifie vertement que ce n'était pas de son ressort.

    La gifle verbale le laissa sans substance, l'espace d'un instant. Il ferma les yeux, se rattrapa au bras de son ami, et poursuivit sa route sur le sentier.

    - Soit, répondit-il d'une voix douce, mais sans timbre, dépourvu de sa mélodie coutumière. Je n'en demanderai pas plus à ton sujet, petit.

    Des petits couteaux, un à un, fichés jusques au fond de la chair, du cœur et des os. La culpabilité rampante, et si, et si ? Le doute, tous les doutes. Il creusait sa mémoire, à la recherche de quelques images : à quoi ressemblait-il, ce petit ? Ces yeux là, oui, ces yeux là lui disaient quelque chose, et il y avait leur couleur, si inhabituelle chez les rejetons des tunguz...

    L'épine n'en serait pas ôtée de sitôt.

    Ils laissèrent le petit s'asseoir près du feu, au milieu des tentes et des montures, au milieu des autres. On expliqua, brièvement : perdu, crotté, affamé, et Sahar qui s'en portait garant. Et du couteau ? Oui, du couteau aussi. Les dents tranchent peut-être mais les blessures se doivent de trouver remède, après tout. L'hospitalité est une chose, et le poète tout fissuré de regrets ne pouvait s'en détourner si aisément.

    Les caravaniers avaient d'autres chats à fouetter, de toute façon, et on ne lui prêta que peu d'attention. De toute manière, nul ne voulut en approcher, de ce garçon tout dépenaillé qui gardait la lame entre ses mains comme un sésame, un espoir de salut. Il n'y eut que Sahar, encore, décidé à boire jusqu'à la lie le vin qu'il avait lui-même tiré, qui s'assit près de lui, à bonne distance.

    La voix du petit, rompue, nerveuse, le fit presque sursauter.

    - ça vient, répondit-il, simplement.

    L'homme fit signe à quelqu'un, et très vite, on leur apporta du lait et quelques victuailles un peu frustres, mais roboratives. Le poète se contenta d'y grappiller un peu, comme pour montrer à son hôte qu'il n'avait rien à craindre de cette nourriture, et aussi parce que tout appétit l'avait déserté. Ses yeux très noirs, feignant le calme, scrutaient le garçon comme si le peu qu'il en distinguait, assis comme il l'était, pouvait receler les réponses à ses questions.

    Las, il n'y avait rien de plus. La bouche brûlante d'interrogations auxquelles il ne répondrait pas, Sahar soupira, longuement, et se força à retrouver un semblant de calme. Il leva les yeux au ciel, chercha le frisson familier des premières étoiles, et puis trouva enfin l'écueil nécessaire pour s'y raccrocher et échapper à la tourmente qui lui secouait l'être.

    - Il y a une place pour toi, si tu veux dormir. Tu peux rester près du feu, on t'apportera des couvertures.

    Une pause, puis il tendit les mains vers lui.

    - Es-tu blessé ? Nous avons un médecin, ici. Il pourra t'aider.

    La voix de Sahar faisait comme un manteau, enveloppante comme la lumière du feu près d'eux. Douce et grave comme un chant, usée comme les paumes tendues, les doigts longs et tailladés qui accrochaient la moindre clarté et révélaient chaque aspérité du cuir tanné par le travail.
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    Sanai-Tehn
    Jeu 9 Mai - 13:55
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    Assis, l'un en face de l'autre. Sanai-Tehn ne parlait pas, du moins pas plus que nécessaire. Quand la nourriture arriva enfin, il en récupéra la majorité vers lui et mangea sans passion, avec les doigts. De temps à autres, il jetait un coup d'oeil autour de lui, surveillant que personne n'ose l'approcher. Que personne ne lui vole sa nourriture. Puis la boisson. La sensation fut très agréable, familière, alors que le liquide glissait au fond de sa gorge. Il s'essuya la bouche d'un revers de la main.

    Il y a une place pour toi, si tu veux dormir. Tu peux rester près du feu, on t'apportera des couvertures.

    L'homme tendit la main vers lui et Sanai-Tehn réagit immédiatement : mouvement de recul, tape sèche de sa main libre sur celle de l'homme.

    Non !

    S'il avait basculé un peu plus du côté des bêtes sauvages, nul doute qu'il aurait montré les dents. Au lieu de cela, il se contentait de rester sur une position défensive, irritée. Il ne laisserait personne le toucher. Il ne laisserait personne l'approcher. Même s'il tremblait, même s'il était épuisé. Il refusait d'avoir l'air faible, d'avoir l'air d'avoir besoin d'aide. Même si c'était flagrant : il refusait de l'admettre.

    Je suis pas blessé, j'ai pas sommeil.

    Il remonta les jambes contre lui, regardant les autres dans la pénombre. Il doutait. Il était inquiet. Il n'arrivait plus à réfléchir.

    Où est-ce que vous allez, tous ? Vers où ? Faire quoi ?

    Peut-être... peut-être pourrait-il rester un peu. Peut-être pourrait-il trouver là un refuge... Non. Non ! C'était trop dangereux. Il devait repartir. Mais est-ce que ses jambes le soutiendraient ? S'il n'avait pas été aussi angoissé et en colère, nul doute qu'il aurait pleuré jusqu'à s'endormir. Mais la tension le laissait là, relativement éveillé, sur ses gardes.
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    Peuple
    Sahar
    Dim 12 Mai - 17:40
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    Le petit montra aussitôt les dents, dès que le conteur esquissa un geste dans sa direction : il s'y était attendu, et comme face à une bête qui mord par peur, il ne montra pas la moindre surprise, et ne fit aucun mouvement brusque. Lorsque le garçon le repoussa, Sahar se contenta de sourire un peu, tout doucement, et éleva ses paumes dans un geste d'apaisement. La tape sèche était sans force, juste un avertissement, comme un chat qui pose ses crocs sans refermer les mâchoires. La prochaine fois, il n'y aurait pas la même hésitation.

    - Tu sais, fit-il de sa voix douce, ce serait dommage d'avoir survécu si longtemps, de t'être à ce point accroché, pour t'esquinter encore plus. Je sais que tu ne nous fait pas confiance, c'est bien normal. Nous sommes des étrangers, après tout, et tu es en fuite, ou quelque chose de ce genre, je le devine. Je sais que tu ne me crois pas quand je te dis que tu es en sécurité, mais voici. Lorsque tu l'auras décidé -si, en vérité, tu le décides- nous avons de quoi te donner un peu plus de confort et de soins.

    Faute de pouvoir apaiser son propre trouble, Sahar tâchait d'apaiser celui du petiot : c'était toujours ainsi, revenir à des choses familières, à ce qu'il savait faire, pour oublier l'angoisse. Peut-être avait-il reconnu le jeune homme, peut-être pas, mais quoiqu'il arrivât, il avait besoin d'une aide que le conteur savait pouvoir lui apporter. Au moins il y avait cela pour le rassurer, et pendant qu'il était tout occupé à veiller sur lui, cela l'obligeait à réfréner sa propre crainte.

    De fait, la voix de Sahar était toute aussi paisible, avec toute sa mélodie coutumière, quand il reprit. Un tout petit peu de sourire s'accrochait encore sous sa barbe, et ses yeux très noirs, ourlés de ses longs cils, avaient un éclat teinté de gaieté, à la lueur du feu.

    - Nous sommes sur le retour, répondit-il. Ces gens que tu vois sont des caravaniers, qui s'en viennent des confins des plaines où ils ont fait commerce avec les tribus ; nous retournons à Shurug. L'homme que tu as vu avec moi est marchand, la plupart d'entre eux le sont. Moi, je m'en reviens de chez les Tunguz, chez lesquels j'ai vécu, ces dernières années.

    Il fut songeur, un instant, et puis sourit.

    - Je rentre chez moi, si tant est que j'aie encore un lieu en ce monde que je puisse nommer comme tel. Oui, on peut dire ça ainsi : je rentre chez moi, après de longues, très longues années.

    Une femme chargée d'un grand plateau de thé passa près d'eux, et leur laissa deux timbales fumantes. Sahar prit un instant pour la remercier, et ils échangèrent quelques paroles aimables, avant qu'il ne reporte son attention sur son nouveau protégé. Comme à son habitude, le poète garda le récipient dans le creux de ses longues mains pour conserver la chaleur, puis reprit :

    - Je suis conteur, et bien d'autres choses encore : je vais sur les routes depuis longtemps, je crois bien que cela fait près de dix ans que je n'étais pas revenu ici.


    Quoiqu'il ne fut pas dans la nature de Sahar de proférer des mensonges, rien dans sa mise, ni dans son parler, n'incitait à croire qu'il eut dissimulé quelque chose. Tout disait sa nature de voyageur qui avait encore un pied dans le monde des nomades donc il avait conservé bien des manières.
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    Sahar
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    Dim 12 Mai - 17:57
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    Il essayait de le rassurer. D'obtenir sa confiance. Sanai-Tehn était perdu, mais pas idiot. Il le voyait bien. Et s'il avait été moins épuisé, peut-être qu'il ne se serait pas pris au jeu. Peut-être qu'il l'aurait juste chassé pour retourner dormir près des arbres. Mais il était au bout de ses forces, ce n'était pas ainsi qu'il survivrait. Il ne voulait pas le dire, l'admettre, mais il le savait. Il n'avait pas d'autre issue.

    Nous sommes sur le retour. Ces gens que tu vois sont des caravaniers, qui s'en viennent des confins des plaines où ils ont fait commerce avec les tribus ; nous retournons à Shurug. L'homme que tu as vu avec moi est marchand, la plupart d'entre eux le sont. Moi, je m'en reviens de chez les Tunguz, chez lesquels j'ai vécu, ces dernières années.

    Si son expression avait pu, l'espace d'un instant, trahir son début de confiance, il se renferma aussitôt. Shurug. Il n'y retournerait pas. Jamais ! Pouvaient-ils être plus différent encore ? L'enfant sauvage, tout juste adulte, qui avait quitté son peuple avant d'en garder des souvenirs pour vivre dans cette ville puante, et l'homme, qui venait de vivre plusieurs années avec les siens. Ne pouvaient-ils pas échanger simplement leurs places ? Si seulement les choses pouvaient être plus simples, plus faciles. Il baissa les yeux alors qu'on leur apportait un thé, sans dire un mot de plus. Il écoutait, simplement. Il amassait autant d'information que possible. Juste ce dont il aurait besoin pour survivre, pour vivre encore plus longtemps. Libre. Enfin libre. Il gardait sa tasse dans les mains, sans boire, juste pour se réchauffer. Et l'homme parlait encore.

    Je pars. Je ne retournerai pas à Shurug. Jamais. Je ne reste pas avec vous. Je ne peux pas...

    Pouvait-il seulement avoir l'air plus dégouté encore de prononcer le nom de cette ville ? Il était trop amer. Trop de rancoeur, trop de haine. Ses yeux hésitants, ses épaules basses. Tout son corps trahissait son épuisement et sa faiblesse. Mais il tentait, désespérément, de garder la face. Il n'avait pas le droit d'abandonner. Pas après... pas après tout ce qui s'était passé. Il avait encore du mal à réaliser, à accepter, à comprendre.

    Mais... merci. Quand même.

    Comme une fine coquille qui se brisait. Comme si ses défenses s'abaissaient. Parce qu'il était trop jeune, trop faible, trop épuisé pour se battre encore. Il prit une gorgée de thé.

    Je m'en irai demain... matin. Je me débrouillerai. Je me débrouille toujours.
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    Sahar
    Dim 12 Mai - 18:13
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    Un très long, très lent, très doux sourire fila sur le visage du poète, alors qu'il regardait le petit fauve redevenir ce qu'il était, au fond : un enfant, rien de plus. Un enfant perdu qui avait une pierre dedans le cœur et le ventre, une pierre qui pesait lourd de mille souffrances à jamais tues.

    - Je comprends, dit-il de sa voix paisible. J'ignore ce qui t'a poussé à fuir, et je ne te le demanderai pas, si tu n'en veux rien dire. Reste donc pour la nuit, si tu le souhaites, au moins tu auras d'ici l'aube un peu de repos, de chaleur et de nourriture.

    C'était déjà ça de gagné, un répit, un sursis. Parfois il n'en fallait pas plus pour sauver une âme, et si c'était pour seulement un jour de plus, alors c'était déjà quelque chose. Avec le temps, Sahar avait compris qu'on ne pouvait sauver tout, ni tout le monde, et que parfois il fallait se contenter de peu.

    Il laissa passer le temps d'un silence, songeur, et puis posa de nouveau ses yeux très profonds sur le garçon. Ses longs doigts pianotèrent sur le bord de sa timbale, et il fit un petit geste de la main pour désigner un groupe d'hommes et de femmes, près d'un feu, à quelques pas d'eux.

    - Tous ne s'en vont pas à Shurug, ce me semble, il y en a qui nous quitteront demain, ou un peu plus tard, pour rejoindre la route qui s'en va vers Koroba. J'irais leur parler, si tu le souhaites, ils accepteront sans doute un passager de dernière minute : j'ai souvent voyagé avec eux et ils y rechignent rarement, pour peu qu'on leur offre un peu d'aide en échange.

    Et puis, il haussa les épaules, et fit un petit sourire.

    - Mais enfin, l'heure n'est pas encore à songer au lendemain, il viendra bien assez tôt. Nous en reparlerons à l'aube, il te faut prendre du repos pour le moment.

    La voix, le regard, le geste même du conteur s'infléchirent d'une tendresse teintée de compassion quand il reprit, esquissant un mouvement de la main, se gardant bien d'outrepasser la distance très claire que l'enfant voulait garder entre eux.

    - Je te vois à bout de forces, petit, il te faut te ménager. As-tu encore faim ?
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    Tous ne s'en vont pas à Shurug, ce me semble, il y en a qui nous quitteront demain, ou un peu plus tard, pour rejoindre la route qui s'en va vers Koroba. J'irais leur parler, si tu le souhaites, ils accepteront sans doute un passager de dernière minute : j'ai souvent voyagé avec eux et ils y rechignent rarement, pour peu qu'on leur offre un peu d'aide en échange.

    Il prit une longue gorgée de thé pour ne pas répondre. Peut-être... oui peut-être qu'il pourrait partir là-bas, avec eux. Il savait travailler, il n'avait pas été un mauvais bougre jusqu'ici. Mais était-il seulement en état ? Il hocha lentement la tête quand l'homme lui fit remarquer qu'il était épuisé. Bien sûr qu'il était épuisé. Il avait quitté Shurug en panique et sans préparation, et il n'avait cessé de marcher depuis. Ses jambes ne le soutenaient plus. Mais il ne voulait pas qu'on le sache. Il ne voulait pas que, quelque part, ils puissent tous savoir qu'il était épuisé, à bout de forces, et qu'une simple pichenette le mettrait à terre.

    Je vais bien.

    Il essayait de dire ça comme s'il était vraiment sûr de lui, bien que le reste de son corps le trahisse sans doute. Etait-il seulement capable de faire illusion ? Il en doutait, mais encore une fois... avait-il le choix ? Il prit une autre gorgée de thé brûlant, se délectant de cette sensation au fond de sa gorge.

    Tu es conteur, mh. ... raconte-moi ton histoire. ... ou même une autre histoire.

    Il croisa les jambes, posant les coudes sur ses cuisses pour se stabiliser, prêt à écouter. A écouter jusqu'à s'effondrer de sommeil. Demain viendrait bien assez tôt. Demain... demain il pourrait certainement trouver d'autres solutions. D'autres portes ouvertes. Il lui fallait seulement du repos, pour l'instant.

    Demain... peut-être que je te raconterai la mienne. Peut-être...
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    Sahar
    Lun 13 Mai - 20:32
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    Sahar ne releva pas la protestation, cette fois, et se contenta d'un sourire un peu triste, un peu las, aussi, et fixa un instant le jeune homme d'un regard perçant qui en disait long sur l'opinion du conteur au sujet de l'état de santé de son interlocuteur. L'homme n'était pas dupe et le lui fit bien comprendre, à sa façon, laissant filer un bref silence.

    Après cela, les paupières usées se plissèrent dans un autre sourire, un peu plus gai, un peu plus animé, et il joignit ses mains autour de son gobelet qui répandait dans la lueur du feu sa vapeur amère.

    - Une histoire, alors ? Voyons... Je peux bien te conter la mienne, quoiqu'elle ne fut peut-être pas si intéressante que cela.

    La femme qui leur avait servi le thé repassa près d'eux, et fut hélée par Sahar :

    - Asa, veux-tu nous porter encore à manger, je te prie ? Il fait grand faim, après tout cette route.

    Un soupir lui répondit clairement qu'on abusait de sa patience, mais que eut égard pour lui, elle voulait bien s'exécuter, et de fait, les deux hommes se retrouvèrent de nouveau abondamment fournis en nourriture à laquelle le conteur s'attaqua, cette fois, parce qu'il voulait bien laisser au moineau déplumé de quoi se remettre un peu de viande sur les os, mais il fallait bien faire tourner sa grande carcasse, à lui aussi, qui était aussi sec qu'une poignée de joncs.

    Sa longue main prit une poignée de dattes dans une coupelle et les égrena avec satisfaction, avant d'en gober une.

    - Bien, reprit-il, voyons voir. Par où commencer ?

    C'était comme s'il avait soudain déployé des ailes invisibles, à ces premiers mots : il n'avait pas bougé, pourtant, et demeurait assis en tailleur dans ses frusques poussiéreuses, le dos un peu courbé contre le vent de la nuit, pour garder au creux de lui la chaleur des flammes et leur lumière qui l'enveloppait. Mais quelque chose, dans son regard, dans le son de sa voix, prenait soudain son essor.

    - Il était une fois, eh bien, il était une fois, moi. Je suis né à Shurug, et je suis fils de tisserands. L'échoppe existe toujours, c'est ma soeur qui la tient à présent, avec elle son mari et... Oh, plusieurs de ses enfants, j'en ai perdu le compte, et il y en a eu d'autres sans doute depuis tout ce temps. Je ne suis qu'un fil au sein d'un écheveau pléthorique, en vérité.

    Il sourit, disant cela, et de tout son récit, il n'allait cessait de garder cette expression si douce et si sereine, toute tranquille, qui donnait à l'usure de ses traits maigres une nuance qu'on trouvait aux vieux objets qui avaient beaucoup servi. Quelque chose d'intemporel, presque sans âge, car il paraissait encore jeune, mais déjà gagné par des allures de vieillard.

    - Mais je suis un fil vagabond dans une tapisserie trop monotone : déjà petit, je me souviens, je rêvais d'autres horizons. J'ai appris beaucoup entre les murs de cette ville, et un beau jour, ça n'a plus été assez. J'avais fait le tour de ces paysages et de ceux qu'on me contait, et des savoirs que je pouvais tirer de là, j'en voulais d'autres, et je voulais voyager pour de vrai, et non en songes et en histoires. J'étais jeune, peut-être autant que toi, quand j'ai quitté cette ville pour la première fois, avec pour tout bagage mes outils de scribe et ma pelisse : j'ai mêlé mes pas à ceux des caravaniers qui s'en vont dans les confins, je suis resté avec eux bien longtemps. J'ai travaillé pour bien des gens, des marchands, des voyageurs, tous ceux qui pouvaient avoir besoin de ma voix, de ma plume et de ma bouche pour parler à leur place des langues qu'ils ne savaient pas.

    Sa paume fit rouler les fruits, comme des trésors, et il en prit encore, rompit le pain, se tut le temps de quelques bouchées qu'il fit passer d'une gorgée de thé.

    - J'ai été dans bien des lieux, j'ai parcouru peut-être tout le royaume, en dehors des confins les moins accueillants, et puis, j'ai connu la plaine. Je crois que j'aime ces endroits par-dessus tout, ou peut-être que déjà je les regrette, parce que je les ai quittés au terme de bien longues années à y demeurer. Je ne puis encore le dire. Quoiqu'il en soit, il est advenu que mes pas m'ont mené au milieu des Tunguz au service desquels je me suis mis. On a toujours besoin d'un poète, d'un beau parleur, d'un scribe et d'un traducteur, alors j'ai été un peu de tout cela, et ce fut fort heureux. J'ai enseigné les lettres à des petiots qui sont maintenant montés en graine, ah, comme le temps passe... J'ai appris la langue et les usages, comme tu peux toi-même le constater. J'ai l'orgueil de prétendre me débrouiller de façon tout à fait honorable et d'être devenu aussi loquace dans ta langue que dans la mienne, et ce n'est pas pour le mieux, crois-moi, il y en a qui regrettent amèrement que je puisse leur rebattre les oreilles de toutes les façons possibles.

    Les yeux se teintèrent de malice, comme une invite, prudente, qui demeurerait probablement lettre morte. Baste, le récit se poursuivit : à son rythme, tranquillement, comme s'il avait tout le temps du monde dans cette nuit étoilée qui frissonnait entre les étoiles et les feux de camp.

    - Et puis je suis devenu esclave. Un coup du sort, tu sais, je n'ai rien vu venir : au matin je me suis réveillé, comme à mon habitude, et le soir-même, j'étais prisonnier d'un chef qui avait pillé notre camp et m'avait pris comme butin, parce que j'étais là au mauvais endroit, au pire moment. Adieu veau, vaches, cochons, je pouvais renoncer à ma vie d'errance : pourtant mon sort ne fut pas si terrible, et je crois bien m'être fait à cette vie. J'ai été bien traité, j'ai continué à faire ce que je savais le mieux : parler, beaucoup, et travailler quand on me disait de me taire. J'ai appris beaucoup auprès des Tunguz, j'ai pris d'eux bien des chansons, bien des histoires, et je leur en ai donné en sus. Finalement, je crois bien n'appartenir vraiment nulle part, parce que je me suis tant éparpillé aux quatre vents que je ne sais plus très bien où je devrais rassembler mes morceaux.

    Il y eut de la douceur dans sa voix, songeuse encore, et ses yeux s'étaient perdus un instant, avant de revenir à son unique public.

    - Et devinera-tu comment j'ai retrouvé ma liberté ? Des graines que j'ai semées il y a bien longtemps ont fini par revenir à la lumière, et voilà qu'une vieille connaissance a recroisé mon chemin : j'avais laissé une enfant, la dernière fois que nous nous étions vus, et voilà que j'ai retrouvé une fille toute grandie, et déjà en âge de faire ses propres choix, comme celui de vouloir racheter un esclave poète un peu miteux. Non que je m'en plaigne, mais enfin, parfois le destin nous joue de drôles de tours.

    Une pause, et enfin il oscilla du chef, et son sourire s'éclaira encore.

    - Alors voilà, petit, me voici : je me suis dit qu'il était peut-être temps de revenir là où je n'ai pas été depuis bien longtemps, et quoi que j'aie trouvé bien des gens que je puisse considérer comme ma famille, il était peut-être temps que j'aille m'enquérir de ceux qui sont vraiment de mon sang. Il faut bien revenir à la source, parfois, non pour mourir comme le font les poissons dans les torrents, mais au moins pour regoûter si l'eau n'est pas plus pure à l'endroit qui nous a vu naître. Je ne sais ce que j'y trouverai, là bas, peut-être que je repartirai, parce qu'il n'y a plus rien qui m'y attende. Je ne sais.

    Il haussa les épaules, avec sa simplicité très franche, et goba sa poignée de datte, faisant de drôles de mines alors qu'il en triait les noyaux du bout des dents. Près de lui, le bol en terre tinta, une fois, deux fois, quand il les recracha avec précision.
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    Il terminait sa boisson quand l'homme reprit la parole, et il se tut. Il buvait ses paroles, comme s'il s'était s'agit d'une ancienne berceuse. Comme si les mots pouvaient résonner en lui. Comme si, l'espace d'un instant, ce n'était plus un inconnu qui parlait, mais Hagraham son père lui contant une histoire sur son passé. Il en oublia même de manger. Il était seulement là, alerte, silencieux, réagissant à peine à ce discours. Peut-être qu'il ne réagissait pas, mais en son for intérieur, il lui semblait être secoué de mille tourments. Un écho.

    Alors voilà, petit, me voici : je me suis dit qu'il était peut-être temps de revenir là où je n'ai pas été depuis bien longtemps, et quoi que j'aie trouvé bien des gens que je puisse considérer comme ma famille, il était peut-être temps que j'aille m'enquérir de ceux qui sont vraiment de mon sang. Il faut bien revenir à la source, parfois, non pour mourir comme le font les poissons dans les torrents, mais au moins pour regoûter si l'eau n'est pas plus pure à l'endroit qui nous a vu naître. Je ne sais ce que j'y trouverai, là bas, peut-être que je repartirai, parce qu'il n'y a plus rien qui m'y attende. Je ne sais.

    Le silence. Il n'entendait plus que le crépitement du feu à peine plus loin, les voix des autres nomades, les objets s'entrechoquant. Il ne savait pas quoi dire. Il regrettait d'avoir demandé. Il regrettait de savoir, de comprendre. Il tendit la main, prenant quelques dattes, pour les manger en silence. Il inspirait lentement. Profondément. Comme s'il cherchait ses mots. Mais il ne cherchait finalement que le courage de parler.

    Je n'ai pas eu ta chance.

    Il s'essuya la bouche du dos de la main, posant finalement les mains sur ses cuisses, lâchant son couteau sur le sol comme s'il abaissait toutes ses défenses. Il parlait bas. Il ne voulait pas qu'on sache. Personne ne devait savoir. Il devait se taire. Mais les mots s'échappaient de ses lèvres, comme doués d'indépendance.

    Je suis né Tunguz mais n'ai jamais vécu avec les miens. Je n'ai pas connu ma mère, et mon père est mort récemment. Sa femme me haïssait, mais avait besoin de l'argent que je rapportai à la maison en travaillant. Puis quand ça n'a plus suffit, elle m'a vendu. Moi, esclave. C'était hors de question. Mais qui aurait été prompt à me racheter ? Je n'étais qu'une tête inconnue parmi les anonymes. Alors quand... C'était trop. Juste trop. J'ai pris un couteau, et je me suis libéré tout seul. J'ai couru, couru, jusqu'ici. Je n'y retournerai pas, jamais.

    Il n'avait pas l'éloquence du conteur, sa voix était brute, dénouée d'images, d'attributs, de gloire. Ce n'était qu'une information, livrée avec toute sa colère et sa rancoeur.

    Je resterai ici, sur les routes, là où est ma place. Et s'ils me rattrapent, je me battrai jusqu'à mourir. Comme les miens. Comme tous ceux qui savaient que la mort est meilleure que la servitude.

    Il le regarda, alors. Les yeux humides, suppliants.

    Tu ne leur diras pas. N'est-ce pas ? Je travaillerai dur, je sais l'faire. J'ai travaillé dur toute ma vie. Je pourrai partir avec eux, n'importe où ailleurs.
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    Sahar
    Mar 14 Mai - 21:15
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    Sahar ferma les yeux. La voix de l'enfant s'éleva, brève, aride comme une pousse privée de lumière, et ses premiers mots étaient comme ces petites pierres qui annoncent l'avalanche, comme les premières gouttes de l'orage qui menace de s'abattre. Comme souvent, il s'en fallait de bien peu pour que la coquille se fende, que les murailles s'abaissent et que se rangent, au propre comme au figuré, les couteaux sortis. La lame disparut d'entre ses mains, comme un signe, un infime renoncement à la faveur de la clarté enclose dans leur petit cercle formé autour du feu. Autour d'eux la nuit respirait ses complaintes familières, et de loin en loin, on entendait bruire le feuillage des arbres qui faisaient comme une grande respiration frémissante dans le noir.

    Sahar ferma les yeux, et cette fois c'est lui qui écouta, comme il le faisait souvent, après avoir parlé. Un donné, un rendu, et lui qui offrait tant avait tout autant à prendre, à recueillir, à bercer dans l'alcôve de son silence. L'histoire se dessina, brève et brutale, pas à pas, mot à mot. Un miracle infime, une tragédie minuscule, qui réveilla au fond de lui quelques souvenirs, assez pour attiser le doute. Les braises de l'inquiétude ne s'étaient pas éteintes si aisément, et voilà qu'elles rougeoyaient encore, attisées par les mots et les confidences, si bien qu'il rouvrit les yeux pour les poser sur le garçon. Il le fixa, longuement, de sa longue face brune toute mangée de soleil et de vent, sous ses paupières plissées par la lumière des plaines : il n'y eut pas plus de réponses, pas plus de clarté, rien que le doute encore et trop de questions qu'il ne pouvait poser encore.

    Et puis, le petit le regarda à son tour, avec au fond du regard le tranchant d'une souffrance muette qui faisait résonner ses paroles comme une supplique. Sahar lui sourit avec douceur,  toute sa douceur coutumière, et un rien plus de tristesse.

    - Tu sais, répondit-il en répandant à nouveau la mélodie de sa voix grave, la route est un foyer en soi, pour ceux qui n'ont plus rien, ou ceux qui renoncent à tout. Ton sang ne ment pas, petit, et il parle dans tes mots : l'errance est le pays de tes pères, après tout, et c'est un beau pays.

    Après cela, il esquissa un geste d'apaisement, se gardant bien encore une fois d'outrepasser la limite décidée par le garçon.

    - Je n'en dirai rien, je te le promet.

    Il baissa encore d'un ton, et ce ne fut plus qu'un murmure, couvrant tout juste le craquement des flammes, qui reprit :

    - Nous autres gens d'errance savons faire silence, et qu'il y a parfois des questions à ne pas poser. Tu n'es sans doute pas le seul, et pour nous autres, il n'y a parfois pas de passé à dire, non plus que vers lequel se retourner.

    Un sourire, encore, qui plissa le coin de ses yeux.

    - Je ne doute pas que tu sauras faire tes preuves et trouver ta place si tu le souhaites. Je l'ai fait en mon temps, autrefois.
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    Dim 19 Mai - 15:30
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    Je n'en dirai rien, je te le promet.

    Ses mots l'apaisaient. Juste suffisamment pour qu'il baisse sa garde, juste assez pour qu'il ne se précipite pas vers la forêt la plus proche pour y disparaître. Il hochait lentement la tête alors que le conteur lui parlait, le rassurait, lui promettait. Il ne pouvait pas lui rendre son sourire, mais il pouvait essayer de ne pas faire de bêtise. Il pouvait rester là, en silence, à le regarder comme s'il n'y avait rien d'autre pour faire tenir son existence. Comme un pilier, une lumière, quelque chose qui réchauffait son coeur, encore un peu. Il ne sombrerait pas cette nuit. Et s'il ne sombrait pas cette nuit, il ne sombrerait aucune autre nuit.

    Quand la colère s'effaça, il ne resta plus que l'épuisement. C'était la colère, la rage, qui l'avaient fait tenir jusque là. Maintenant que ses dernières barrières s'effritaient, il s'effritait à son tour. Il baissait les yeux, plissant dans la pénombre, la tête lourde, le corps réchauffé. Il secoua la tête lentement pour essayer de se réveiller.

    Mon nom...

    Il releva les yeux pour observer l'homme.

    Sanai-Tehn. murmura-t-il.

    Il inspira, expira. Las, ennuyé.

    Je ne peux plus l'utiliser maintenant... ils ne doivent pas... me retrouver.

    Il se frotta les bras. Il ne devait pas s'endormir, là, assis au milieu de nulle part, au beau milieu d'une conversation, entouré d'inconnus. Il pencha la tête, comme s'il cherchait ses mots.

    Donne m'en un autre. Ce sera un peu... un peu comme si je retrouvais de la famille.

    Pouvait-il pleurer ? Pouvait-il se laisser aller à ce point ? Il n'avait pas encore eu l'occasion, de pleurer son père, sa vie, sa liberté perdue puis retrouvée. Il n'avait pas encore pu soulager son coeur. Il n'y avait eu que la colère, car c'était la seule chose qui l'avait fait tenir. Il sentit ses yeux s'embuer, mais se refusait à s'abandonner à ce point.

    Tu pourrais être... tu pourrais être ce bout de famille que j'ai jamais eu... comme un frère. Oui, peut-être... peut-être que ce serait bien...
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    Sahar
    Lun 20 Mai - 20:59
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    Dans la nuit très douce, frissonnante d'étoiles et de flammes, toute chargée de murmures, il y eut un infime réconfort, l'amorce d'un espoir. Sous le regard attentif du poète, le garçon semblait peu à peu lâcher prise, se déliter un peu, se défaire des crocs, des lames, de la férocité dormante au fond de ses yeux ; tout fondait, tout se défaisait, couche après couche, écaille après écaille, et c'était comme le voir reprendre visage d'homme, visage d'enfant. Si jeune encore, ah, et la tragédie fichée au fond du coeur : une autre existence qui s'était brisée comme sur un écueil, et nul n'y pouvait rien, ou presque.

    Pour autant, il prit cela comme une victoire, et le sourire de l'homme se dessina encore, tout en douceur, tout en lumière au fond des yeux très noirs qui reflétaient les lueurs, comme des miroirs, pour y voler leur éclat d'ambre et de braises. C'était une victoire, oui, de voir qu'il pouvait encore faire un peu, un tout petit peu, et de ses pauvres mains usées construire encore assez de remparts pour tenir les ténèbres à l'écart, même si ce n'était que pour un instant. Il savait que c'était ça qui pouvait faire la différence, parfois. Il fallait essayer, encore, encore, de toute sa patience longuement mûrie et rompue à ces minuscules bontés.

    Mais comme souvent, le coup vint alors qu'il ne s'y attendait plus : le nom qui fut lâché, confidence douloureuse, le faucha au creux du ventre comme un couperet, et l'espace d'un instant, il demeura sans expression. Son sourire s'était suspendu à son visage, comme un masque, alors qu'au dedans tout s'effondrait. Le pressentiment formulé plus tôt s'était donc vérifié, et maintenant qu'il en savait plus long sur l'histoire du petit, c'était même encore pire, parce qu'il savait. Il savait mettre un nom sur celle qui avait été son écueil, sur la source de tout ceci : il savait y mettre un nom, trop semblable au sien, et un visage, et tout le reste.

    Ses mains ouvertes, posées comme de grands oiseaux calmes sur ses genoux se refermèrent, seule concession faite à ses états d'âme, car il savait qu'il ne fallait rien montrer. De toute les épreuves qui furent imposées au poète depuis le premier pas dans l'existence qu'il avait choisie, celle-là était peut-être la plus dure, la plus âpre, alors qu'on lui jetait au visage, sans rien savoir, les conséquences de ce choix. C'était son absence, après tout, c'était de n'avoir pas vu, n'avoir pas regardé, même : dans tout cela, il était fautif.

    Sahar demeura silencieux, cette fois. Longuement, longuement, il regarda cet enfant, à peine monté en graine, il regarda tout. La souffrance, l'épuisement, les stigmates, il affronta sans ciller cette vision qu'il s'imposait comme punition, pour boire jusqu'à la lie ce calice qu'il avait lui-même contribué à remplir. Et ses paroles, ses dernières paroles prononcées tout bas comme un murmure, presque une supplique voilée, ces mains tendues vers lui pour recueillir enfin un peu de paix, un peu de tendresse qui lui manquait, ces paroles lui tournaient dans la tête et s'y bousculaient.

    Il leva les yeux au ciel, faisant mine de réfléchir. Rien sur son visage ne trahissait son trouble, rien, et il semblait toujours serein, égal à lui-même, mais si on y regardait de plus près, on voyait la lumière mourir au fond du regard, et tout se figer comme s'il n'était plus que statute de sel, feignant la paix quand il n'y avait plus que colère et peine au fond de lui. Il leva les yeux au ciel, oui, et chercha peut-être dans la voûte étoilée une réponse, une aide ou un signe, mais il n'y eut que le silence d'un champ d'étoiles paisibles comme une mer assombri, et rien ne lui répondit. Parce que, la vérité sans doute, et la plus cruelle, c'était qu'il n'y avait pas de réponse à l'ironie cruelle du sort, ou de la volonté des Dieux qui avaient fait en sorte qu'un même sang, lignée jumelle, devienne pour Sanai-Tehn sa perte et son salut.

    Ses paupières s'abaissèrent, lentement. Respiration lente, profonde, tout laisser sombrer. Il sourit, enfin, et reposa sur son neveu ses prunelles insondables, où on ne voyait plus à présent que leur voile familier de mélancolie très usée.

    - Ta confiance m'honore, petit, dit-il enfin, bien conscient que son silence paraîtrait suspect, chez quelqu'un d'aussi loquace que lui. Voilà une tâche ardue que tu me confies. Mais si c'est ce que tu veux, eh bien, je peux faire cela.

    Sa longue main brune se déplia, se tendit vers lui pour saisir celle du jeune homme. Au creux de la nuit, près du feu, dans le secret fugace de leur enclos d'où le monde semblait exclu, quelque chose se nouait, à la faveur de l'ombre et du murmure. Les yeux du poète reflétaient les flammes, mais ils semblaient avoir leur propre éclat, leur propre feu, et il y eut alors une gravité presque solennelle quand il reprit :

    - Je te donne le nom de mon voeu pour ton futur, Unegui, toi qui es né pour être libre.

    Ce fut dit tout bas, confié comme un trésor et un secret dont seuls furent témoin les étoiles, les ténèbres et les feux.

    - Tu sais, reprit-il après un instant, il me plairait de m'attarder dans les plaines, quelques temps de plus. Ce serait déloyal de te donner un nom et de m'en aller si vite, alors, je pourrais peut-être faire un bout de chemin avec toi, si tu pars avec ceux qui s'en vont à Koroba. Après tout, cela fait des années que je ne suis pas rentré : quelques semaines ne feront plus beaucoup de différence.

    Ou plutôt, elles en feraient : assez de temps pour réfléchir, assez de temps pour songer et se préparer. S'il repartait le lendemain, Sahar savait déjà trop bien ce qu'il adviendrait, et sans doute qu'aucune bonté, aucune merci ne seraient encore assez grandes en son coeur pour retenir la colère qui viendrait tôt ou tard, non plus que pour l'empêcher de s'abattre sur celle qui en serait l'objet. Et puis, il ne voulait, ni ne pouvait songer à laisser partir si vite cette petite vie trop fragile qui avait échoué entre ses mains : c'était une deuxième chance, peut-être, une occasion de se racheter pour ce qu'il n'avait pas fait, pour n'avoir pas été là, pour cette absence qui avait laissé libre court à une trop grande faute.

    - Si tu n'as jamais eu de famille digne de ce nom, je puis peut-être essayer, moi.

    Il sourit, enfin. Il sourit comme il l'avait toujours fait, avec douceur, avec sincérité, et avec toujours un fond de tristesse lasse, qui émoussait les traits maigres de sa longue face déjà tannée par le vent et le soleil. Racine, ramille, ramure, ramée : l'arbre étendait ses branches, une fois encore, pour ménager ce tout petit interstice, ce refuge fragile qu'il offrait à ceux qui venaient se reposer dans son ombre.
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    Sanai-Tehn
    Ven 31 Mai - 15:53
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    Je te donne le nom de mon voeu pour ton futur, Unegui, toi qui es né pour être libre.

    Unegui. Le nom résonna longtemps dans son esprit fatigué, comme la promesse d'une nouvelle vie. Apaisée. Saine. Il hocha lentement la tête, de haut en bas, signe qu'il acceptait ce don et qu'il le chérirait.

    Tu sais, il me plairait de m'attarder dans les plaines, quelques temps de plus. Ce serait déloyal de te donner un nom et de m'en aller si vite, alors, je pourrais peut-être faire un bout de chemin avec toi, si tu pars avec ceux qui s'en vont à Koroba. Après tout, cela fait des années que je ne suis pas rentré : quelques semaines ne feront plus beaucoup de différence.

    Peut-être était-il trop las et épuisé pour relever ce soudain revirement. Il était à vrai dire content d'avoir du soutien, d'avoir un visage face à lui qui ne le jugeait pas, et n'exigeait rien de lui. Qui le soutenait. Il n'était plus seul, pas vrai ? Le soulagement dût se lire sur son visage. Lui qui avait tant haï et tant douté, il était face à un homme conscient de ce qu'il avait vécu, parce qu'il avait pu vivre la même chose. Un semblable. Il hocha à nouveau la tête.

    Pourquoi pas... peut-être... oui, une famille...

    Il se voyait déjà parcourir le monde comme il l'avait fait autrefois avec son père. Hagraham et lui, seuls sur les routes. C'étaient des souvenirs si beaux, et si tristes. Quelque chose qu'il n'avait plus espéré connaître une nouvelle fois. Il baissa la tête, ému aux larmes.

    Je vais dormir... un peu.

    Il lui tourna le dos, se roulant en boule contre le sol, pour dormir. Et surtout pour cacher ses larmes. Des larmes de soulagement, de joie, de tristesse. Tout une myriade d'émotions qu'il ne savait évacuer autrement. Mais il était là. Là contre la terre battue par le soleil pendant des années, là, dans la poussière. Chez lui. Là où il devait être.

    Merci.
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